La fin de l'érotisme

- Il faudra que cela finisse un jour.

- Quoi donc ?

- Cette vague d'érotisme et de pornographie, cette marée de corps nus, de sexes offerts, ce déferlement d'images obscènes, de titres provocants.

- Et le rire ? - Quoi, le rire ?

- Vous voudriez aussi que l'on ne rie plus ?

- Je ne vois pas le rapport.

- Et pourtant, lorsque régulièrement j'entends prophétiser la fin de la pornographie, j'ai l'impression que c'est aussi absurde que d'annoncer la fin du rire ou la mort du comique. On ne rit pas toujours des mêmes choses ; on ne fait pas toujours rire de la même manière, mais on rit toujours. Eh bien, l'érotisme, comme le comique, ne prendra fin qu'avec l'espèce humaine ! En revanche, il est bien possible que l'on se lasse des seins étalés sur écran panoramique comme des œufs sur le plat, des systèmes pileux et génitaux pour planches en couleurs d'Encyclopédie médicale. Mais, cette mystérieuse, angoissante, drôle d'alchimie où l'imaginaire donne des ailes au réel, ce pamphlet libertaire, révolutionnaire que sera toujours toute véritable histoire d'amour, cela, croyez-moi, ni vous ni moi ne nous en lasserons jamais.

Emmanuelle Arsan (Emmanuelle, n°9, juin 1975, p. 5).